LE HORLA
de Creton Pierre
00h35min, France, 2022, Langue : français
Dans le métro parisien, un homme au masque noir. L’homme rentre chez lui, le bruit de la colère sociale le poursuit à l’intérieur, mais rien ne semble importer que son commerce avec le double qu’il retrouve entre les murs blancs.
L’adaptation par Pierre Creton de la nouvelle de Maupassant étonne par sa lumineuse sérénité. C’est qu’il s’agit avant tout d’un portrait, de l’étude en noir-et-blanc d’un corps, d’un visage, de leur claire et opaque beauté. Y prêter attention suffit à éloigner les spectres et la folie.(Cyril Neyrat, fidmarseille.org, 2022)
Le livre évoque une histoire de double et de folie. Le principe de dédoublement a-t-il à voir ici avec le film éponyme de Jean-Daniel Pollet de 1966, très explicitement adapté du texte initial ? Comment s’est jouée l’écriture du Horla par rapport à la nouvelle et à ce film ?
Le contexte du virus et de la pandémie de la Covid-19 m’a semblé approprié pour faire miroir à la paranoïa de Guy de Maupassant. Chez l’auteur syphilitique du dix-neuvième siècle, ce sont les bateaux venant du Brésil qui portent la folie ; chez nous-autres contemporains, ce sont les porte-conteneurs et les avions venant de Chine. Le principe de dédoublement est dans la nouvelle elle-même et dans le journal qu’a tenu Maupassant lors de son écriture. C’est d’ailleurs un fragment de ce journal cité par Lauren Groff dans son recueil de nouvelles Floride que lit Christian Borghino dans mon film. Il n’y a pas eu à proprement parler d’écriture. Il y avait l’idée d’un lieu précis à Paris, quelques objets en référence à la nouvelle (les carafes, un pistolet) et quelques objets de mon quotidien (œufs d’oie, portable). Bien sûr, je connaissais le film de Jean-Daniel Pollet, cinéaste que j’admire, sans pour autant m’y référer vraiment.
Pierre Creton(Propos recueillis par Olivier Pierre, FIDMarseille.org, 2022)
HOUSE OF LOVE
de Creton Pierre
00h21min, France, 2021, Aucun dialogue
Trois panoramiques circulaires se succèdent dans trois intérieurs. La caméra, posée au centre de la pièce, enchaîne les rotations. À chaque plan est associée une pièce musicale, qui remplit de sa pleine durée l’espace sonore. Si image et musique s’accordent ainsi, c’est que Creton a posé sa caméra sur un tourne-disques, parfait pied motorisé. Simple et géniale opération, qui fait du disque une caméra, qui dote la musique du pouvoir d’enregistrer le passage du temps et des êtres, les variations du visible au fil de son écoute. Car une multitude d’événements viennent accidenter la rotation monotone : variations de la lumière, mouvement de la végétation dans le vent par la fenêtre, libre et pleine présence des animaux, passages furtifs d’humains comme des spectres. Ombres et reflets des vivants et des morts, également présents et absents entre les murs qui ont gardé le souvenir de l’amour, d’heures passées à s’étreindre ou à écouter des disques. À chaque tour de la caméra, un monde intime illimité naît, meurt et ressuscite. Les maisons de l’amour sont aussi des monuments aux morts, passés ou à venir. Sexe et mort, chambre secrète où se nouent art et vie. Ascèse, régularité, retrait : cette forme nouvelle est aussi celle de la pudeur nécessaire à qui se risque sur le seuil d’une telle chambre.
(Cyril Neyrat, fidmarseille.org, 2021)
La Cabane de Dieu
de Creton Pierre
00h16min, France, 2020, Aucun dialogue
De son père, Pierre a hérité d’un bois qu’il entretient, et au milieu du bois, d’une cabane, ancien pavillon de chasse du père, où Pierre aime aujourd’hui passer du temps, seul avec son chien.
Il y a réalisé un film qu’il vient de terminer, douze ans après un premier essai infructueux. Un des premiers plans montre la cabane en forte plongée, comme vue du haut d’un des arbres qui bordent la clairière. Davantage que la cabin de Thoreau, c’est la Black Maria d’Edison que ce plan fait venir à l’esprit. Comme la maison de Vattetot, la cabane du bois est un studio de cinéma. Et une maison hantée. (Cyril Neyrat, Le Jardin des abeilles, Sur quelques films de Pierre Creton, Images documentaires, Octobre 2020)