En présence de Serge Toubiana (président d’Unifrance) et Denis Charbit (spécialiste du sionisme, professeur de sciences politiques à l’Université ouverte d’Israël).
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Par bien des aspects, la rétrospective Claude Lanzmann est percutée par la tragique actualité au Proche Orient. Depuis le 7 octobre et ses suites, des films comme Pourquoi Israël et Tsahal ne sont plus les mêmes dans ce contexte de violence inouïe. Dans le premier, la déambulation des soldats israéliens dans Gaza nous saisit. Le simple titre du second constitue tout un programme alors que Tsahal est en action dans le même territoire palestinien.
Au moment de boucler le programme en juin, un soin particulier avait déjà été mis à l’accompagnement de ces films qui portent sur des questions éminemment inextricables, passionnelles, difficiles. Nous voulions une parole qui soit à la fois sensible aux questions de cinéma et très précise pour ce qui est des faits, du contexte, avec une capacité à replacer ces films dans une histoire particulièrement complexe : 1973 (Pourquoi Israël) est l’année de la Guerre du Kippour, 1994 (Tsahal) appartient à une époque où les espoirs de paix culminent, avant d’être déçus, puis anéantis.
Politologue et historien, Denis Charbit sera présent pour accompagner Pourquoi Israël le vendredi 24 novembre (avec Serge Toubiana) et Tsahal le 25 novembre. Cette figure intellectuelle progressiste enseigne les sciences politiques, cette année à l’Université du Vermont aux Etats-Unis, ses recherches portent notamment sur le sionisme et l’État d’Israël ainsi que le rôle des intellectuels dans la vie publique.
Il ressort de ces films une dimension affirmative, à commencer par ces titres, sans point d’interrogation, presque cinglants : Pourquoi Israël, Tsahal. Il reconnaît bien le côté assertif de Claude Lanzmann, pour qui l’existence et la défense d’Israël ne constituent pas une question, tout comme le contexte de sa création après l’entreprise de destruction du peuple juif européen pendant la Seconde Guerre mondiale. Cela n’empêche en rien que ces deux films déploient « l’empathie impitoyable » de Claude Lanzmann, une expression qu’il appréciait et qu’Eric Marty a reprise lors de la présentation de Pourquoi Israël le 8 novembre.
L’apprentissage et l’usage de la violence comme condition de l’existence d’Israël innerve Tsahal, mais Lanzmann s’attache au temps long, presque à une méditation sur les conditions de l’existence d’Israël. Avec ce film, on pense aussi à Yehuda Lerner, le héros inoubliable de Sobibor 14 octobre 1943, 16 heures (réalisé cinq ans plus tard), où cet homme pacifique, comme guidé par une force, fend le crâne d’un géant nazi, contribuant à la révolte des détenus du camp de Sobibor, « exemple paradigmatique, disait Lanzmann, de la réappropriation de la force et de la violence par les Juifs. »
Cette première réalisation de Claude Lanzmann pour le cinéma s’intéresse au jeune État qu’il fréquente assidûment à partir d’un premier voyage marquant en 1952. Exploration très empathique mais peu complaisante, Pourquoi Israël dresse le portrait du pays, compose une mosaïque fascinante, une fresque à la fois profonde, cruelle, tendre.. Si l’intitulé est bien une affirmation et non une interrogation, le film prend la forme d’un passionnant dialogue philosophique portant sur les identités, tensions et paradoxes de cette nation.